Considérations sur les théories du complot
Comme l’écrit Kant, la raison est « architectonique », c’est-à-dire qu’elle est tentée de rechercher l’unité dans la connaissance. D’où la popularité du dogmatisme sur l’empirisme, puisqu’il s’agit d’une démarche naturelle. D’où le privilège de l’a priori sur l’expérience. Les faits sont délaissés au profit de principes a priori, d’Idées de la raison. Conspirations, complots, etc., permettent de donner une unité à ce qui n’en a pas, du sens à ce qui n’en a pas. C’est un travers de la raison, contre lequel il faut lutter. Les théoriciens du complot et de la conspiration ne sont rien d’autres que des dogmatiques.
Le conspirationniste se pose toujours la question « à qui profite le crime ? ». Le gouvernement décide que les conducteurs de voitures doivent allumer leurs phares le jour ? Ce n’est pas pour prévenir les potentiels accidents de la route. La vraie raison, c’est que les phares allumés, votre voiture consomme plus d’essence, car l’alternateur doit fonctionner plus pour recharger votre batterie. Ainsi, cela profite à l’Etat, qui entend tirer de cette mesure non pas plus de sécurité sur les routes, mais plus d’argent des taxes sur les combustibles. Par extension, cela peut profiter aux pays Arabes, et bien entendu aux Américains, et il ne serait pas impossible que George W. Bush ait fait pression sur les dirigeants français pour imposer cette mesure.
Le conspirationniste est par essence un révisionniste : il se méfie de l’histoire officiel, c’est-à-dire de l’enchaînement des faits que l’on admet généralement. Jusqu’ici, il n’y a rien de blâmable : le révisionnisme est même souhaitable puisqu’il permet de critiquer ce qui a déjà été dit, et favorise donc le débat intellectuel et démocratique ; en un mot, la science. Mais bien souvent, le révisionnisme ne s’arrête pas là et tend au négationnisme qui lui va chercher non pas à trouver d’autres enchaînements entre les faits, mais à nier tout bonnement certains faits de l’histoire. Ainsi, on peut réviser l’histoire de la Shoah et dire que les morts dans les camps ne sont pas le fait des chambres à gaz, mais des maladies et autres mauvais traitements. Le fait de la mort des victimes n’est pas nié : on suppose juste une autre cause à celle-ci. Mais en faisant cela, on nie un événement : l’extermination volontaire, autrement dit le génocide, de ces victimes. Dans ce cas, le révisionnisme conduit au négationnisme.
En partant d’un raisonnement a priori pseudo-validé empiriquement, le théoricien du complot se transforme peu à peu en révisionniste, puis en négationniste. L’observateur attentif découvre alors en lui son réel objectif qui n’était pas de trouver la vérité, mais de trouver un prétendu réel coupable à un événement, lequel coupable est rarement le même que celui que l’histoire officiel retient. Ainsi, bien souvent cela retombe sur la tête des Juifs, des Américains ou des Francs-Maçons. Finalement, le jeu que se propose le conspirationniste n’est rien d’autre qu’une association d’idée pour aller d’un point à un autre. Comment, de tel événement, rendre coupable et responsable telle personne ? Comment, des attentats du 11 septembre, montrer qu’ils ne peuvent profiter que, ou bien aux Américains, ou bien aux Juifs ? C’est bien simple : posez-vous la question « mais à qui profite le crime ? », et vous arriverez bien facilement à trouver un paralogisme pouvant vous conduire du World Trade Center à la CIA ou au Mossad.
[amtap book:isbn=2246686016]
11 mai 2011 à
[…] Sans cesse, de manière compulsive, le conspirationniste [1] se pose la question policière : « mais à qui profite le crime ? » Car tout événement profite nécessairement à quelqu’un ou à quelque chose. Si une […]