La Naissance d’une nation
La Naissance d’une nation (The Birth Of a Nation), réalisé par Griffith en 1915, est souvent présenté comme le premier long métrage de l’histoire du cinéma. Ce film, publié exactement 50 ans après la fin de la guerre de sécession, raconte le déroulement de cette même guerre et la reconstruction du Sud qui en a suivi. C’est un grand succès populaire, qui rapportera 15 millions de dollars.
* Du point de vue de la technique cinématographique, ce film est exemplaire pour l’époque. Gros plan, travelling, flash-back, montage parallèle, etc : autant d’innovations qui seront reprises par la suite par d’éminents réalisateurs. Eisenstein dira de lui que « c’est Dieu le père, il a tout créé, tout inventé. Il n’y a pas un cinéaste au monde qui ne lui doive quelque chose ». Griffith utilise en effet des mouvements de caméra, plusieurs plans, une mise en scène dynamique, beaucoup de figurants et donne une grande importance au montage. Jouent dans ce film Lillian Gish (qui deviendra une des actrices favorites de Griffith, que l’on retrouvera un an plus tard dans Intolérance), Mae Marsh, Henry B. Walthall, Miriam Cooper, Robert Harron, Wallace Reid, Joseph Henabery. Ce film marque un premier pas vers la normalisation de la durée des oeuvres cinématographiques, et Griffith propose ici de diviser son récit en deux parties, pour une durée totale de 157 minutes.
* Du point de vue historique, il y a un vrai parti pris de la part du réalisateur. L’affiche du film présentant un chevalier du Ku Klux Klan est là pour le rappeler. Griffith nous montre les Noirs du Sud heureux de leur condition d’esclaves, esclavage n’ayant, si l’on en juge par les images, rien de monstrueux mais qui serait au contraire une condition souhaitable. C’est pourquoi ces Noirs sont prêts à combattre avec leurs maîtres contre les fédéralistes. Les Nordistes, et les Noirs les ayant rejoint, sont vus comme des barbares capables des pires atrocités. Le Ku Klux Klan est présenté comme un organisme libérateur, qui permit de mettre fin « à l’anarchie du régime noir » qui sévissait dans le Sud. Peut-être que les origines de Griffith (il est né dans le Kentucky) ne sont pas étrangères à cette vision des choses. Griffith prétend s’appuyer sur plusieurs sources, dont le livre de Thomas Dixon The Clansman, et sur les différents travaux d’historien du président en place à cet époque Woodrow Wilson. Celui-ci cautionnera d’ailleurs tout à fait ce film, disant même que ce film devrait être vu par les écoliers. Remarquons aussi que c’est après avoir assisté en 1915 à la projection de ce film que William Joseph Simmons décida de recréer le Ku Klux Klan.
* Du point de vue politique, ce film marque un précédent. Les différentes associations pour la défense des droits civiques, telle que la NAACP (National Association for Advancement of Colored People), tentèrent d’interdire ce film. Cela pose la question de la censure, et donc, de la fixation du statut du film. Avant, on ne s’inquiétait guère que de la nudité susceptible de choquer un certain public, du fait que l’activité se déroule dans le noir, ou encore qu’il vide les Eglises. Ici, c’est par rapport au fond que la question se pose. Un Bureau National de la Censure fut mis en place des 1909, mais 95% des films soumis à son approbation étaient validés. Mais certains veulent des mesures plus virulentes. Des bureaux de censure vont se mettre en place spontanément dans certaines villes et Etats. C’est ainsi que dans l’Ohio, The Birth of A Nation sera interdit. Griffith ne l’entend pas de cette oreille, et décide de se placer sous le couvert du Ier amendement, garantissant la liberté d’expression. La question étant polémique, l’affaire va remonter jusqu’à la Cour Suprême, qui décidera que le Ier amendement ne peut pas s’appliquer, les bureaux de censure étant vus comme l’expression de la démocratie populaire. La Cour Suprême va statuer sur le film et dire que le cinéma est une oeuvre industrielle qui concerne un public à caractère universel. Le premier amendement ne pourra donc pas s’appliquer, et ce n’est qu’en 1952 que le statut du film sera à nouveau révisé pour pouvoir être protégé par ce même amendement.
Ainsi peut-on dire qu’il y a un avant et un après Griffith. The Birth of A Nation marque un tournant à plusieurs points, et ce, positivement ou négativement. C’est pourquoi on peut considérer ce film comme le péché originel marquant la naissance du cinéma moderne.
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25 août 2010 à
[…] vous a déjà parlé du premier long-métrage de l’histoire du cinéma : A birth of a nation (La Naissance d’une nation), de D.W. Griffith, que je n’ai pas vu. En revanche, j’ai vu l’autre grand film du cinéaste, […]