Oct 16
L’insociable sociabilité des hommes…
Kant, comme tous les grands auteurs, voit des choses que tout le monde devrait voir, mais que tout le monde sait oublier. Kant, comme beaucoup de philosophes allemands, veut résoudre beaucoup de problèmes, et là où certains creuseraient une observation, il la note en passant, car il a autre chose en tête. Par exemple, s’il s’intéresse à la rivalité des hommes au sein de la société, c’est lorsqu’il s’occupe de l’histoire des hommes – plus précisément dans la quatrième proposition de son Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique. Il y pense cet antagonisme comme le moteur du progrès dans les sociétés. En effet, à force d’être rivaux les hommes deviennent plus malins, puis préfèrent s’organiser des règles du jeux ; alors le Droit se développe, ça va mieux dans la Société, etc. Bref, les Lumières. L’attentif Emmanuel, même s’il a autre chose en tête, forge un concept précis et lui donne un nom qui claque : l’insociable sociabilité.
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Oct 21
Une idée assez répandue et assez positiviste au sujet du remède à la corruption de notre monde damné, est qu’il faudrait en premier lieu mettre l’accent sur l’éducation des enfants pour qu’il s’améliore. La société est en effet faite d’hommes, qui hier étaient des enfants. C’est parce que cette jeune pâte fut pétrie par de mauvais boulangers que le monde d’aujourd’hui court à cloche-pied. Les parents d’hier portent la responsabilité de la détresse de notre monde, eux qui ont mal éduqué ceux qui, adultes, sont devenus des tyrans. Il ne tient qu’aux parents d’aujourd’hui de prendre conscience que ce sont leurs enfants qui produiront la société de demain, et il suffit donc pour eux de les éduquer correctement afin que tout aille mieux.
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Juin 25
Si l’on suit l’analyse du billet précédent, le mérite moral seul autoriserait à être fier. Mais même en ne l’associant qu’au mérite moral, la fierté semble galvaudée : on pourrait être fier de la moindre action tant qu’elle nous a coûté. Sitôt qu’on agit on peut être fier. Mais la fierté ne doit-elle pas rester quelque chose d’un peu exceptionnel, ou d’un moins d’un peu précieux ? Le concept de mérite moral pourrait en fait jouer contre la fierté.
Kant, par exemple, affirme
« qu’il faut que le devoir, et non le sentiment du mérite [la prétention à pouvoir intimement croire à sa propre magnanimité et au caractère noble et méritoire de sa manière de penser], ait sur l’esprit l’influence non seulement la plus déterminée [précise], mais aussi, s’il est représenté sous le vrai jour de son inviolabilité, la plus pénétrante [efficace] », in Critique de la raison pratique, « Doctrine de la raison pratique pure », Ak V,157, p.288 chez GF.
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Juin 22
Le militant d’une minorité attaquant les préjugés et les mots sans s’occuper de trouver des excuses à ceux qui les ont employés (sans doute parce que son propos n’est pas de juger et condamner mais de constater que ce n’est pas cool), pourrait bien se fourvoyer. Tentons de soulever un mauvais aspect de sa démarche. Le militant est fier sans raison, comme le chauvin. Or le chauvinisme c’est pas bien (enfin y parait). Ainsi, la fierté non justifiée, c’est ça le mal1, un mal partagé par le minoritaire et le majoritaire. Pis, ça pourrait être à la base d’une fierté d’être normal, et donc d’une tendance à jeter l’opprobre sur ceux que l’on juge différents. Le moyen, même s’il paraît nécessaire, nuirait à la fin : déclarer sa fierté d’être X, c’est illogique, contradictoire, voire contre-productif.
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Juin 19
« La fierté sans le mérite, c’est déjà de l’orgueil ».
Tel est le cri de ralliement que je propose – pourvu qu’on en parle.
Il faut râler contre les marches des fiertés. Ce ne sont pas des marches, mais les échoppes d’un marcher de l’exhibition. Chacun peut y trouver le produit X auquel il veut être assimilé et qui lui sert à s’exhiber. Tiens, un vendeur de choucroute et un autre d’humus. Cette année je serai fier d’être un juif allemand, l’inspiration vient en marchant.
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Mai 11
Le conspirationnisme est cette tendance qu’ont certains esprits à voir des complots partout. Sans cesse, de manière compulsive, le conspirationniste [1] se pose la question policière : « mais à qui profite le crime ? » Car tout événement profite nécessairement à quelqu’un ou à quelque chose. Si une chose va mal, c’est qu’il y a un intérêt pour quelqu’un ou pour quelque chose à ce que ça le soit.
« Rien n’arrive jamais sans cause », énonce Leibniz dans sa formulation du principe de raison suffisante. Pour le conspirationniste, cette cause est toujours une cause intentionnelle : il y a une causalité finale qui fait que l’on peut attribuer la raison de nombreux faits à la responsabilité d’un actant. Cela conduit le conspirationniste à formuler une théorie du complot, bien souvent différente de ce qu’énonce l’histoire officielle, toujours subversive et sulfureuse.
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Avr 14
Lorsque l’on entend le mot « transcendantal », on pense immédiatement à deux personnes. Salvador Dali, qui usait abondamment de ce mot d’une façon bien particulière, mais qui relève peut-être plus de l’anecdote − quoique Dali ait lu Kant et bien d’autres philosophes, comme Nietzsche. Kant, qui fit de ce mot un usage proprement philosophique, et qui fut le premier à l’utiliser massivement dans sa philosophie : il parle en effet de philosophie transcendantale, de déduction transcendantale, de logique transcendantale, de liberté transcendantale, de sujet transcendantal, d’usage transcendantal, de réalisme transcendantal.
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Nov 16
Société, Sciences & techniques Oscar Gnouros
Geek, Steve Ballmer, Condorcet, Crouzet, Ubuntu, Open source, Linux, Lyotard, Lumières, Bachelard, kant
L’open source et le « monde libre » qui l’accompagne dégoulinent de promesses séduisantes comme on n’en connaissait peut-être plus depuis longtemps. Des promesses technologiques, mais aussi et surtout des promesses philosophiques et politiques ambitieuses : la décentralisation contre la centralisation ; l’horizontalité contre la verticalité ; l’abondance contre la rareté ; le partage contre la propriété ; la liberté d’expression contre la censure ; la liberté de création contre le brevet. Thierry Crouzet théorise tout cela parfaitement bien, et son anarchisme cybernétique pourrait au moins apparaître comme un idéal régulateur vers lequel il faudrait tendre. Cependant, tout cela paraît buter sur une difficulté : dans un tel monde, ou pour faire advenir un tel monde, idéalement, tout le monde devrait être programmeur et capable de coder − ce qui est encore loin d’être le cas.
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Août 12
Commençons simple : peut-on prouver l’existence de Dieu ? Selon la Critique de la raison pure d’Emmanuel Kant, l’existence de Dieu ne se prouve pas, mais elle se postule. Dieu, être qui serait à l’origine du monde, au-delà du temps et de l’espace, est pour nous une Idée. Une Idée, c’est un genre de concept particulier.
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