Je suis Charlie
Aujourd’hui Charlie Hebdo a été attaqué.
Voilà l’effroyable visage de la bêtise, main dans la main avec la violence. Je condamne la bêtise, je condamne la violence.
Je déteste la bêtise. La bêtise est le propre de celui qui ne comprend rien à rien. Kant le remarquait : il manque de jugement, et ne sait pas sous quelle situation générale ranger un cas particulier. L’homme bête prend une pochade pour un affront, son orgueil pour de l’honneur.
Pire, l’homme bête est un inconscient. Et comme le remarquait Alain, l’inconscient s’appuie sur l’inconscience. L’inconscience est le refus de réfléchir, de remettre en question ses jugements, ou ses préjugés. Elle n’empêche pourtant pas de parler, de répéter, ou d’agir. Un inconscient peut manier un lance-roquette en criant des conneries. Mais un inconscient peut aussi répéter des éléments de langage, persuadé de dire la vérité, sur la religion, l’intégrisme, la liberté d’expression, la tolérance, etc. Répétez et agissez, hommes bêtes, aujourd’hui je vous déteste.
Parez-vous de vos convictions, elles ne sont que des avis non réfléchis ; vos indigestions mentales portées sur l’espace public. Ce ne sont pas des convictions.
Comme le rappelle Kant. Il y a persuader et convaincre ; ne pas réfléchir et réfléchir.
Ceux qui réfléchissent ont des opinions, des croyances (ou convictions), voire des savoirs. Ils prétendent leurs savoirs valables pour tous ; et leur opinion à peine valable pour eux-mêmes, ils en changeront. Si Charlie est un journal drôle et que je dois l’acheter ? Ça dépend. La croyance intervient quand on s’attache à son jugement qu’on sait ne pas pouvoir prouver ; mais elle donne un sens à notre vie, à nos actions. La croyance pragmatique du thérapeute en l’efficacité d’un médicament ; la croyance morale de l’homme en la liberté ; la croyance doctrinale de Kant en l’existence des extraterrestres. Mes croyances que ce qui est arrivé est injuste ; que ne pas rire avec quelqu’un, ce n’est pas lui tirer dessus ; qu’on ne pouvait pas, ce jour, avoir publié (innocemment) un Morbleu rigolo et ne pas s’occuper de Charlie Hebdo (ma croyance en la décence).
Gare à ceux qui se vantent de leurs convictions. Ce sont des faux-monnayeurs, des ordures, des en… ; je deviens vulgaire. J’ai pourtant un outil contre cette bêtise : vos convictions n’en sont pas, vous n’êtes que des bavards. Mais quel outil contre la violence ? Quel outil contre l’étalage de bêtise à venir, dans les commentaires qu’on n’attend pas mais se presseront de venir ? Je suis moi-même déjà en train de les détester. Je les déteste moins que ces gens violents, mais je crois trop que la même cause produit divers effets. Comment se réjouir d’un ministre dressé sur la pointe des pieds pour apparaître sur les photos ? « C’est pas fait exprès », « ça arrive ». Si c’est ainsi, vous êtes bêtes .
Il faudrait réagir avec humour, ou bienveillance ; du moins dans l’ordre du discours. C’est mon quotidien de petit professeur. C’est mon idée de blogueur. J’espère simplement que nombreux sont ceux qui procèdent ainsi, et que l’humour se décentralise, que la réflexion et le doute prospèrent, et surtout que la tolérance nous anime.
Mais aujourd’hui c’est dur.
7 janvier 2015 à 14:56 Oscar Gnouros[Citer] [Répondre]
Charb.