Heidegger, Être et Temps, « La tâche d’une désobstruction de l’histoire de l’ontologie »
Toute investigation qui prétend en être une doit préalablement reconnaître la condition historiale du Dasein signifiant qu’il est avant tout « aventure ». Le Dasein est son passé, non pas en tant qu’il en est une réactualisation, mais dans le sens où celui-ci détermine sa présentéité. L’historialité du Dasein fait que celui-ci est comme aspiré par l’avenir.
L’histoire des historiens, l’historiographie, ne suffit pas à rendre compte de cette dimension du Dasein Bien plus, si l’historiographie est possible, ce n’est qu’en tant que le Dasein est historial. Il n’y a pas plus historial que les peuples sans histoire.
Que le Dasein soit historial implique que l’ontologie qu’il a développé soit elle-même historiale. Par conséquent, « la question du sens de l’être se trouve d’elle-même amenée à s’entendre comme une question historique ».
Or, que le Dasein soit enclin au « dévalement », c’est-à-dire enclin à masquer les questions existentielles par la quotidienneté, a des conséquences sur l’ontologie. La tradition dans laquelle il est inscrit l’empêche de poser les questions sur un vrai mode. « La tradition coupe l’historialité du Dasein de ses racines ». C’est pourquoi l’ontologie devra réaliser « un retour posititif au passé dans le sens d’une appropriation productive de celui-ci » qui n’est même pas compris en raison de la dépossession de cette tradition même.
C’est ainsi aux sources de l’ontologie qu’il faut remonter et par conséquent aux Grecs à partir desquels toutes les questions sur l’être furent posées et déterminées.
Le Moyen-Âge et l’âge moderne ne firent que dénaturer encore plus les questions originelles avec sa « reprise dogmatique des conceptions grecques fondamentales de l’être ». Il faut donc clarifier les rapports que l’ontologie entretient avec sa tradition afin de « renouer avec les expériences originales dans lesquelles avaient été atteintes les premières et désormais directrices détermination de l’être » qui nous est inaccessible de par cette tradition barrant le chemin.
Cette tâche de désobstruction n’est cependant pas négative. Elle n’est pas une simple destruction du passé, « un crépuscule des idoles ». Elle est au contraire reconnaissance de la tradition et compréhension de celle-ci comme symptôme du dévalement philosophique.
La question guidant cette tâche est : « est-ce que et jusqu’à quel point, au cours de toute l’historie de l’ontologie, l’interprétation de l’être a été thématiquement rapprochée du phénomène du temps ? »
Seul Kant dans sa théorie du schématisme s’est approché de cette question pour s’en détourner aussitôt. Ce qui l’empêche d’en prendre la pleine mesure est le fait qu’il reste prisonnier de l’ontologie cartésienne qu’il reprend dogmatiquement. Ce même Descartes ne constitue qu’une traduction de l’ontologie médiévale dans les matrices de la modernité, ce qui l’empêche d’aborder proprement la question de l’être. Mais si l’héritage médiéval est défaillant, c’est parce qu’il se contente d’être une simple reprise de l’ontologie antique, laquelle reste prisonnière de l’interprétation de l’être platonicienne dans la dialectique et le logos, et de la temporalité définie par Aristote.
Ce n’est qu’en dépilant ces couches l’une après l’autre que l’on pourra répéter la question : « qu’est ce qu’être » ? Il faudra veiller à ne jamais tenir un résultat pour définitif. L’être original pourrait bien se dérober à l’instant même où l’on pensait mettre la main dessus.
[amtap book:isbn=2070707393]
13 juillet 2009 à 14:50 Arnaud[Citer] [Répondre]
Faut il se détourner de son œuvre Etre et temps à cause de ses problèmes éthiques assez importants ?
Et je dois avouer que son Dasein me pose quelques soucis de compréhension…
Si je compris bien, l’Etre qui « est » est un étant-là symbolisé par le Dasein, mais peut-on tout aussi bien remplacer ce Dasein par l’Homme ?