La Théorie critique du sport
La « Théorie critique du sport », avec un grand « T », est la principale source de contestation du phénomène sportif. Le sport apparaît de plus en plus ancré institutionnellement. STAPS dans les Universités, Ministre des sports, éducation physique et sportive (EPS) à l’école, CIO : on ne compte plus les organismes ayant décidé de le structurer, de le diffuser, de l’imposer. La mission est accomplie puisque le sport est aujourd’hui universellement célébré, des plus pauvres aux plus riches, des dictatures aux démocraties, du prolétaire au professeur.
À l’exception de la « Théorie critique du sport » qui entend s’interroger sur ce succès et sur sa pertinence. Qu’est-ce qui se joue dans cette activité a priori si anodine qu’est le sport ? Ces intellectuels, du précurseur de 1968 Jean-Marie Brohm à Marc Perelman qui publie ces jours-ci Le sport barbare, répondent essentiellement qu’il est le cheval de Troie du capitalisme, du libéralisme. Le sport marchandise les corps ; cherche la performance pour la performance tout comme le capitalisme cherche la plus-value pour la plus-value ; il est un moyen d’éducation répressive ; un nouvel opium du peuple. Radicalisée, cette critique décèle en lui des germes identiques à ceux du fascisme. Le sport est l’avant-garde de la fabrique de l’homme nouveau ; il épure le peuple par sa sélection des élites ; il exacerbe les nationalismes ; il éduque à la violence, à la barbarie ; le stade sportif n’est que le lieu d’un Kriegspiel.
Jean-Marie Brohm se définit lui-même comme un militant marxiste, voire trotskyste, convaincu dans les thèses de la révolution permanente. La combat contre le capitalisme est partout, tout le temps ; le sport étant le précipité du capitalisme, la chute de ce dernier passe par une lutte nécessaire et soutenue contre tous les athlètes. La société capitaliste, notre société capitaliste, est une société sportive ; aujourd’hui, il y a selon eux une stricte équivalence sport-société-capitalisme. Marx ne voyait de salut pour le peuple qu’à condition qu’il se débarrasse des fleurs imaginaires de la religion qui couvraient sa chaîne ; Brohm, Perelman, Redeker et les autres exigent que l’on abolisse le sport, ce nouvel opium du peuple, pour une vraie émancipation de l’homme.
Peut-être ne se joue-t-il rien de crucial dans le sport ? Reste que la « Théorie critique du sport » est convaincue du contraire. Combattre le sport, c’est pour eux combattre le capitalisme. L’effondrement du capitalisme suppose corrélativement l’effondrement du sport. Ils sont adversaires du sport car adversaires de notre société ; faire chuter le sport est une étape préliminaire ou consécutive à la chute de notre société, une étape préparatoire à la venue d’une nouvelle société que l’on attend depuis Marx, où l’homme pourrait enfin s’émanciper.
Démonstration de l’équivalence sport-société-capitalisme et appel à la lutte contre ce complexe avec l’espoir d’une société plus juste le combat une fois achevé, voilà en quoi consiste cette critique qui en son fond le plus profond ne fait que recycler le vieil historicisme marxiste dont on eut tort de se croire débarrassés. Chacun jugera s’il faut continuer à s’y accrocher et « appuyer l’inévitable. »
[amtap book:isbn=2841864472]
2 février 2012 à
[…] certaines sont lues. Comme par exemple, la Sociologie politique du sport de Jean-Marie Brohm, qui fut la thèse d’état qu’il soutenu en 1977, et qu’il publia en 1976, soit […]