Le Kriegspiel d’ovalie
« Les sports ont fait fleurir toutes les qualités qui servent à la guerre : insouciance, belle humeur, accoutumance à l’imprévu, notion exacte de l’effort à faire sans dépenser des forces inutiles… Le jeune sportsman se sent évidemment mieux préparé à « partir » que ne le furent ses aînés. Et quand on se sent préparé à quelque chose, on le fait plus volontiers. »
Jamais cette affirmation de Pierre de Coubertin, qui continue de passer pour le pacifiste indiscutable qu’il ne fut que par pur opportunisme, n’aura trouvé plus parfaite mise en pratique qu’à l’académie militaire de West Point (États-Unis) à laquelle L’Equipe magazine consacre un reportage dans le numéro 1378 de ce samedi 6 décembre 2008.
Sur le terrain de « Warrior Field », le rugby est utilisé comme propédeutique guerrière. On se passe le ballon ovale en préparation du lancé de grenade ; on foule l’herbe et la boue des stades en attendant de patauger dans celles d’autres contrées ; on bouscule, on saigne et fait saigner ; on se serre et on pousse en imaginant les tranchées ; on fait des crochets comme si on évitait des obus. 5 entrainements par semaine de 2 heures, sans compter la musculation qui est effectuée sur le temps libre, et autres exercices physiques. Si dans le film Joyeux Noël, le sport était la fin de la guerre, il en est ici le début.
« C’est que, à l’inverse du foot américain, où chaque phase est planifiée d’avance par l’entraîneur, le rugby, qui a pour base la conquête, l’occupation du terrain, le sens du sacrifice et la prise de décision rapide pour s’adapter à l’adversaire, est considéré comme le meilleur sport pour préparer des officiers en herbe au chaos contrôlé par la guerre ».
De même que pour le fondateur du sport universitaire anglais Thomas Arnold les terrains étaient le lieu de réinsertion des rebuts sociaux, la section rugby de West Point créée en 1961 était avant tout la place pour « the scrum of the earth ». Un dispositif permettant de réintroduire dans la société ceux qui en étaient exclus parce que trop violents.
Le sport s’est quelque peu éloigné de cette vocation originelle de recyclage des rebuts. Mais il a néanmoins conservé, et ce au moins à West Point, sa valeur d’instrument pédagogique. Avec, dans ce cas, cette finalité belliqueuse que Coubertin n’aurait certes pas renié.
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