Le Québec libre
Le Québec, ancienne colonie française, est aujourd’hui une des 10 provinces du Canada, située au Nord du continent américain. Prisonnier entre l’océan Atlantique, l’Ontario et les États-Unis, le Québec représente le plus grand espace francophone outre-Atlantique. Le climat de cette région est pour tout dire assez rigoureux, bien que nous ne puissions pas en témoigner puisque la date de notre arrivée dans cette contrée ne nous a pas permis de goûter au climat hivernal légendaire et à ses températures.
Le Québec, comme tout le continent américain, et particulièrement le Nord, est une terre d’immigration. Son peuple est très cosmopolite, même si sa composante française reste de loin la plus importante. Il suffit d’ouvrir un annuaire téléphonique et de jeter un coup d’œil aux noms des abonnés pour se convaincre de cette ascendance certaine.
Toutefois, ce serait une erreur que de considérer le Québec comme étant une sorte de « DOM ou de TOM » français formel. En effet, nos cousins québécois, comme on aime souvent à les nommer ainsi, semblent avoir divorcé de nous depuis longtemps, et ont, pour la plupart, la volonté d’en faire de même vis-à-vis du monde entier. Le sentiment nationaliste québécois est très vif. Beaucoup n’hésitent pas à dire qu’ils sont en situation « d’un peuple colonisé par l’envahisseur anglais ». Tour à tour délaissés par la France, assaillis par les Indiens, « génocidés1 » par les Anglais, boycottés par les Américains, les Québécois ne font aujourd’hui plus confiance qu’à eux-mêmes, et un nationalisme des plus virulents s’est ainsi développé. Les plaques d’immatriculation des voitures n’ont de cesse de rappeler ce passé tragique en soulignant leur numéro d’identification par la devise « Je me souviens ». Beaucoup, toutes générations confondues, sont ceux à crier « Vive le Québec libre », beaucoup sont ceux ayant applaudis des deux mains De Gaulle lorsque celui-ci l’avait crié aussi. C’est ainsi que de nationalisations en nationalisations, de référendums sur l’indépendance en référendums, l’idée d’une Nation Québec est née et est maintenant très ancrée dans l’esprit de chacun.
Chez les Européens que nous sommes, cette pensée peut surprendre, voire choquer. En effet, ne sommes-nous pas, nous, Français, entrain de construire l’Europe à l’aide de nos voisins, de prôner une sorte de multiculturalisme, de « métissage », à la fois des cultures et des peuples ? L’Europe n’est-elle pas, en plus d’un espace économique, un refus du nationalisme ? N’avons-nous pas, à la suite de notre histoire elle aussi douloureuse, honni tout ce qui était patriotisme, pensant qu’il était père de bien des maux ?2 La façon dont sont aujourd’hui en France regardés les partis nationalistes tels que le FN ou le MNR, même si paradoxalement ils attirent de plus en plus de monde aux urnes, montre bien ce que nous pensons de ces idées ; et il y a encore peu, avant ce que l’on appelle « le choc du 21 avril », chanter la Marseillaise, se montrer avec un drapeau tricolore ou ne serait-ce que le saluer était encore montré du doigt.
Mais les Québécois, eux, n’en ont que faire. À l’heure où nous abaissons les frontières, ils veulent les remonter. S’ils vivent dans le même temps chronologique que nous, ils semblent néanmoins vivre dans un temps historique différent : celui du nationalisme, celui que nous, Européens, abjurons avec tant de force. Et pour conforter cette idée de nation, le recours à l’arme francophone à la moindre occasion est devenu un réflexe obsessionnel : au cinéma, Kill Bill devient Tuer Bill, Men in Black, Les hommes en noirs, Scarface, Le balafré ; les sandwichs deviennent des sous-marins et les hot-dogs des chiens chauds ; etc. Dans un autre registre, une marque de VTT a pour slogan « des VTT construits par des Québécois pour des Québécois ».
Si on leur demande pourquoi cette fièvre nationaliste, ils nous répondent qu’ils ont souffert, que beaucoup sont morts pour qu’ils puissent tout simplement être et qu’ils ne veulent (ou ne peuvent) plus faire confiance qu’à eux seuls3. On a l’impression que le Québécois semble vouloir d’abord se définir comme appartenant à un peuple, plutôt que comme un individu libre. Les Québécois semblent emprisonnés dans le cimetière sur lequel s’est bâtie leur nation, et de nombreux fantômes resurgissent de temps à autres.
Mais que l’on ne s’y trompe pas. Cet état d’esprit ne fait pas l’unanimité. Bien que celui-ci semble, certes, présent dans la mémoire collective de tous prêt à bondir au moindre souffle, cela n’empêche pas qu’un autre Québec soit résolument tourné, peut-être avec résignation, vers le monde que nous, Français et Européens, habitons. C’est ainsi que l’on peut voir l’Université Laval éditer des publicités ayant pour slogan : « Aujourd’hui le Québec. Demain le monde » et « Le monde s’offre à vous. Jusqu’où irez-vous ? À vous de choisir ». Un discours que les alter-mondialistes n’hésiteraient pas à qualifier de propagande mondialiste.
L’université Laval
L’Université Laval est la première université francophone d’Amérique du Nord et se trouve au cœur de la capitale du Québec. Accueillant près de 36000 étudiants chaque année, elle peut être comparée à la Doua, bien que l’esprit y régnant soit différent, et ce tant au niveau architectural qu’au niveau de l’enseignement dispensé. Ainsi, on ne s’étonnera pas de trouver à l’intérieur d’une église le département d’art moderne, de voir 2 tours face à face de 16 étages chacune, de trouver un département de théologie et de sciences religieuses, mais aussi de nombreux tunnels parsemant les sols de l’université comme un gruyère permettant de se rendre sans mal d’un bâtiment à un autre lorsque les conditions climatiques sont peu clémentes.
Tout comme le Québécois, l’Université cultive elle aussi son identité. Elle possède ainsi, en plus de son nom, sa signature graphique (dont les normes doivent être suivies à la lettre4), mais aussi ses armes5, sa devise6, son drapeau7 et son hymne8. Ceci s’inscrit sans doute dans une politique marketing, car les Universités américaines ont un fonctionnement bien différent de celles que nous avons en France. Ainsi, l’Université Laval n’hésite pas à collaborer avec le monde professionnel, et peu lui importe que les tags dénonçant l’emprise de « l’impérialisme du Capital sur l’éducation » fleurissent tels des champignons sur tous les murs des tunnels du campus.
Les origines de l’Université Laval remontent à 1663, lorsque Monseigneur Laval, premier évêque de la Nouvelle-France, fonda le Séminaire de Québec. En 1852, la reine Victoria octroya une charte royale et le Séminaire devint Université. En 1878, l’Université Laval ouvra ce que l’on peut appeler une succursale à Montréal, qui devint en 1920 l’Université de Montréal. Aujourd’hui, l’Université Laval est la 1er Université du Canada et est le foyer de l’enseignement supérieur francophone pour toute l’Amérique du Nord.
1 Terme employé par l’historien québécois Gilles Villemure qui fut chargé de mener devant nous, Français expatriés l’espace de quelques semaines, une conférence ayant pour but de nous proposer un regard québécois sur le Québec en retraçant son histoire depuis la colonisation lors du XVI-XVIIéme siècle jusqu’à nos jours.
2 C’était en effet l’un des desseins de Robert Schuman dans son idée de l’Europe : créer une sorte d’Etat supranational chargé d’harmoniser les intérêts de chaque Etat le composant en calmant les rivalités, et ainsi se rapprocher quelque peu de la « paix perpétuelle » kantienne.
3 Et encore se trouve-t-il encore grand nombre de rivalités à l’intérieur même du Québec. Ainsi, les Québécois apprécient peu les gens de Montréal et vice-versa. Du temps où Québec avait une équipe de hockey, les rencontres entre les deux villes, qui au départ devaient être purement sportives, finissaient rapidement en affrontements sanglants mêlant supporters et forces de l’ordre. Par ailleurs, combien de Québécois ont-ils applaudi pendant notre séjour à la défaite de l’équipe de Montréal lors de la finale de la conférence Est de la NHL ?
4 Un dossier de 20 pages à été édité, édictant le Bien et le Mal en matière de normes graphiques.
5 « De gueules à la croix d’or chargée de cinq coquilles d’azuret cantonnée de seize alérions d’argent ». Depuis 1951, l’Université a de nouvelles armes reproduisant les traits distinctifs du blason de monseigneur Laval : un écu orné d’une croix chargée de cinq coquilles et cantonné de 16 alérions sans bec ni pattes, symbolisant les ennemis vaincus lors de pèlerinages auxquels avaient pris part les ancêtres de Monseigneur de Laval
6 « Deo favente haud pluribus impar » qui signifie « Avec la grâce de Dieu, à nul autre comparable ». Dérivé d’une formule chère à Louis XIV, devant témoigner, d’après le site Web de l’université, d’un certain goût pour la modestie…
7 Une bannière aux armes de l’écu
8 Savoir et beauté, composé par Jeanne Landry, professeur de la Faculté de Musique. Que l’on nous pardonne d’avoir sacrifié quelque peu la mise en page, mais nous voulions faire profiter à tout prix le lecteur de cette merveilleuse création artistique :
« Qu’on soit philosophe Ou alors musicien Qu’on se veuille avocat Psychologue ou médecin Inscrit en sciences En histoire ou en géo Qu’on se dise poète Ou sportif ou intello. »
« Étudier, rêver Tour à tour croire et douter Créer, inventer Rire et fraterniser Observer l’univers En sonder tous les mystères Courtiser en dansant Les chemins de l’infini »
« Chantons à pleine voix un lieu Le premier En terre d’Amérique À répandre le savoir Et le goût de l’excellence Dans la langue de France »
« À Laval Chacun se prépare à tenir Un rôle insigne dans le vaste chœur du monde Confiant d’y voir fleurir un humanisme Un nouvel art de vivre Célébrant dans la joie Savoir et beauté »
On pourra trouver sur le site Web de l’Université Laval l’accompagnement instrumental qui est à la mesure de ces paroles : http://www.ulaval.ca/Al/hymne/hymne.html
[amtap book:isbn=2847361138]