À envisager le socratisme de Montaigne, on craignait a priori de se perdre dans une jungle montaignienne peuplée d’une infinité de Socrate opposés les uns aux autres. Cette peur n’était pas infondée : nous avons en effet trouvé trois Socrate. Ces trois Socrate sont des « idéal-types », des figures abstraites, épurées à dessein, qui ne se rencontrent jamais telles quelles dans le texte. Ainsi en est-il de ce Socrate idéaliste, qui préféra mourir de la ciguë, plutôt que de renoncer à sa « science de s’opposer ». Ou de ce Socrate machiavélique qui lui est opposé, capable de dompter la mauvaise fortune en transigeant sur les principes, par l’ironie. Mais sans doute est-ce le Socrate « homme ordinaire », sorte de figure intermédiaire entre ces deux dernières, qui, loin d’être « excellent », est le plus proche de ce que Montaigne concevait.
De la police scientifique
Cinéma, Choses dites, choses vues, Sciences & techniques, Société Aucun commentaire »Chaque fois qu’ils sont programmés sur la télévision, Les Experts battent des records d’audience. On se passionne pour cette série télévisée qui met en scène une police qui serait enfin devenue scientifique. Exit les détectives et inspecteurs ancienne mode à la Sherlock Holmes ou Hercule Poirot dont les instruments et méthodes « d’arrière-garde » furent incapables de faire tomber (a)droitement un Henri Désiré Landru ou une Marie Besnard ; le chasseur de crime d’aujourd’hui porte une blouse blanche (parfois non, car il faut pouvoir reconnaître les acteurs – ce pourquoi on porte aussi rarement des charlottes sur les scènes de crime -, ainsi que montrer jambes et décolletés), utilise les armes de la techno-science et progresse par conjectures et réfutations – la médecine n’est pas en reste : le Docteur House est un médecin qui théorise, réfléchit, expérimente, teste, se trompe, recommence, etc.
Hegel [1] refusait d’accorder à Montaigne le statut de philosophe, comme si celui-ci n’appartenait pas à l’histoire de la pensée, à l’histoire de la philosophie. Pourtant, il est clair que Montaigne s’avère décisif sur bien des points pour comprendre notre modernité. De Socrate, Montaigne tirait des leçons pratiques adaptées à son temps ; pour le lecteur de Montaigne d’aujourd’hui, il est possible d’en faire de même à partir des Essais. Car, n’en déplaise à Hegel, Montaigne marque un tournant dans la pensée européenne quant aux rapports qu’elle entretient avec le légendaire, la connaissance et l’homme. Par conséquent, quels enseignements peut-on tirer du, ou plutôt des socratismes de Montaigne ? Lire la suite »
Quelques éparses réflexions sur le dernier film de Woody Allen, Whatever Works. Ce n’est tout de même pas pour rien qu’il y a une rubrique « cinéma » sur ce site. Lire la suite »
Comment rendre compte de cette multiplicité des visages de Socrate chez Montaigne ? Comment Montaigne peut-il revendiquer une filiation à ce Socrate qui ne semble jamais être le même d’une page à l’autre des essais ? Y a-t-il un procédé utilisé par Montaigne afin de passer outre ces contradictions ? Une méthode qui permette de réconcilier ces Socrate opposés les uns aux autres ? Lire la suite »
Une sociologie foucaldienne est-elle possible ?
Choses dites, choses vues, Doxographies 4 commentaires »La vie intellectuelle lyonnaise – il y en a une – est très foucaldienne ces derniers temps. Après la faculté de philosophie de Lyon III qui a consacré une curieuse journée d’étude dont nous aurons à reparler intitulée « Du Gestell (M. Heidegger) au dispositif (M. Foucault) » destinée à montrer les convergences entre les travaux des deux philosophes, la Bibliothèque de la Part Dieu accueille en ses murs une exposition baptisée « Archives de l’infamie » autour du texte de Foucault « La vie des hommes infâmes », dont Deleuze jugeait que c’était l’un de ses écrits les plus aboutis.
Ainsi, il y a dans les Essais non pas un, mais des Socrate. Est-on alors condamnés à envisager le socratisme de Montaigne comme un concept vague et mal formé, sans cesse changeant ? Socrate est-il héraclitéen ? Ou est-il au contraire possible de discerner dans le texte montaignien des figures socratiques bien marquées et définies ? Pour le dire avec le vocabulaire wébérien, est-il possible de dessiner des « idéal-types » des Socrate qui jouent dans les Essais ? Il serait alors possible de définir le socratisme de Montaigne comme à la croisée de toutes ces figures.
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Comment expliquer que l’on apprécie tant les gros seins ?
Modes d'emploi, Sexus Empiricus 12 commentaires »Le corps de la femme connaît une érotisation qu’on ne retrouve chez aucune autre espèce, avec trois caractéristiques uniques : le camouflage de l’ovulation, une attractivité constante et une réceptivité sexuelle quasi permanente. Par ailleurs, si la fesse est le propre de l’homme et la conséquence évidente de son passage à la marche bipède, elle est aussi un puissant signal d’excitation, qu’on retrouve également dans la poitrine féminine. Avec le redressement de la stature et le coït plus habituellement pratiqué face à face, il semble que l’évolution a sélectionné peu à peu des femmes ayant une poitrine développée, c’est-à-dire une rotondité ressemblant au signal excitateur des fesses. Le caractère globuleux de la poitrine féminine n’a qu’une fonction-si l’on excepte la fonction nutritive qui ne dure que quelques mois dans la vie d’une femme-, l’excitation des mâles pour entretenir l’activité érotique.
Pascal Picq, « Sexe : la compétition homme-singe », Le Point, 18 juin 2009, N°1918
Il devient banal de souligner la multiplicité de Montaigne. Il n’y a en effet pas un, mais une infinité de Montaigne dans les Essais. Un passe-temps favori de l’auteur est de s’émerveiller dès qu’il le peut de cette différence, de souligner qu’il est comme un flux héraclitéen qui sans cesse change. « Distinguo est le plus universel membre de ma logique » nous dit-il, maxime qu’il s’efforce d’appliquer à chaque sujet, trouvant, dans ce qui semble a priori le plus simple et le plus convenu, la complexité la plus inattendue. De son dessein de se peindre « tout entier et tout nu », il en ressort le tableau d’un homme qui est différent à chaque page, car à chaque fois envisagé selon un autre point de vue. Montaigne use en effet souvent de ce verbe « peindre ». Comme le remarque Philippe Desan [1], il est un inventeur de l’impressionnisme avant l’heure, se plaisant à ne donner du réel que ce que sa conscience en remarque sur l’instant, pouvant dresser ainsi des images presque opposées d’un même objet à quelques moments d’intervalle, tout comme Monet rendait vingt toiles de la cathédrale de Rouen en une seule journée. Ainsi les commentateurs se perdent-ils dans les chemins ouverts par Montaigne : certains le disent athée, d’autres fidéiste ; certains le dépeignent hédoniste, d’autres ascète ; certains le catapultent réformateur, voire révolutionnaire, d’autres conservateur.
Deleuze a donné une interprétation de l’Eternel Retour de Nietzsche si pertinente qu’on la prend volontiers pour la thèse que Nietzsche défendait lui-même, tout en ignorant bien souvent que cette conception est en fait de Deleuze. Laissons de côté, pour l’instant, ce que Nietzsche disait lui-même à ce sujet, pour nous concentrer sur ce que Deleuze entendait.