Qu’est-ce que la modernité ? Baudelaire lu par Foucault
Lorsqu’on lui demandait de définir la modernité, Foucault confessait souvent un embarras. Il avouait ne jamais avoir bien compris ce que l’on entendait par cette idée, mis à part chez certains auteurs, comme Baudelaire. Dans son cas, la modernité apparaît alors davantage comme une « attitude », caractérisée, selon Foucault [1], par quatre points.
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Une attitude active vis-à-vis du présent consistant, non pas à le comprendre comme une simple « mode » qui succèderait sans originalité à une autre, mais consistant au contraire à saisir ce qu’il a de spécifique, ce qu’il a « d’héroïque. » Considérer l’instant comme devant être vécu pleinement, être en parfaite adhésion avec lui.
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Une « héroïsation » du présent, donc, mais qui ne consiste en aucun cas à le sacraliser, à « essayer de le maintenir ou de le perpétuer » : ce serait là une attitude non pas moderne mais au contraire conservatrice ou réactionnaire. Le moderne est celui qui, paradoxalement, est convaincu que son moment historique est décisif, mais que en même temps, celui-ci doit être dépassé par autre chose.
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Une attitude active vis-à-vis de soi-même consistant moins à se libérer, qu’à plutôt s’inventer en tant que sujet. S’engouffrer dans les espaces de liberté laissés ouverts par le temps présent sans chercher à les élargir. Saisir les virtualités et potentialités du moment comme elles viennent pour se produire soi-même. Moins recréer un monde qui convienne au sujet que d’adapter ce dernier à son monde.
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La conviction que « cette héroïsation ironique du présent, ce jeu de la liberté avec le réel pour sa transfiguration, cette élaboration ascétique de soi » ne passera non pas par la politique, ni par la société, mais davantage par une forme d’art, par le souci de soi, par une esthétisation de son mode d’être.
[1] Michel Foucault, « Qu’est-ce que les Lumières ? », dans Dits et Ecrits II, Paris, Gallimard Quarto, 2001, (pp, 1388-1390).
[amtap book:isbn=2070347494]