Tyson : la boxe, la prison, la sagesse
Vos années de prison ont été un cauchemar (Tyson a été condamné en 1992 à six ans de prison pour viol. Il a été libéré en mars 1995.) mais, parallèlement, elles vous ont permis de devenir une autre personne. Souffrir avant de changer : c’est la règle d’or ?
Pas pour tout le monde. Un grand philosophe grec a dit : « L’épreuve rend les plus forts encore plus forts, mais les plus faibles encore plus faibles. » Je crois qu’il a raison.
Vous lisez toujours autant ?
Beaucoup moins. Je passe mon temps devant la télévision, ce qui n’est pas bien. J’ai surtout lu en prison. Lorsque je suis rentré chez moi, on m’a fait suivre vingt ou trente cartons de livres et je me suis dit : « Je n’arrive pas à croire que mon cerveau soit parvenu à ingurgiter tout ça. »
Ces livres vous ont-ils aidés ?
Ils m’ont aussi beaucoup troublé. Les points de vue sont tellement contradictoires. Prenez Voltaire. Il est pessimiste de nature, et, dans le même temps, il a toujours trouvé les ressources pour s’attaquer aux institutions. Avec sa façon de se tenir en retrait, Gandhi m’a beaucoup déconcerté aussi…
Quel est votre livre de chevet ?
Si je dis Le Prince, de Machiavel, on va encore me traiter de fou. Mais il ne faut pas confondre l’homme et son œuvre. Les philosophes français détestaient Machiavel. Ses théories étaient peut-être malsaines, mais lui-même était vraiment cool !
Mike Tyson, « J’ai détesté me voir pleurer » in L’Equipe magazine, samedi 2 mai 2009, n°1398, p. 14.
La boxe (voir Philonenko), et surtout la prison (voir Russell), semblent être les meilleurs moyens de se préparer à l’agrégation de philosophie.
[amtap book:isbn=284100290X]
[amtap book:isbn=2841004198]
3 mai 2009 à 21:17 Luccio[Citer] [Répondre]
C’est tout de même un signe que nous avons plus de mérite à nous cultiver à notre époque.
En effet songeons à l’étudiant russe du XIXème siècle, se prenant pour Napoléon, n’ayant pas de quoi s’habiller et usant les bouts de chandelles pour lire autant qu’il peut, ou à Chateaubriand nous peignant son séjour de jeunesse en Angleterre, devant économiser les bouts de ficelle pour écrire. Bref, quand beaucoup avaient du mal à joindre les deux bouts.
Avant d’insister et de me plaindre de ne jamais avoir eu faim, je constate que ces messieurs n’avaient ni la tv ni Internet, lieu de perdition si l’en est, où on se retrouve à lire une itw d’Un, dont on était heureux qu’il se fasse démonter par Lenox Lewis. Bref, le divertissement d’avant, c’était se cultiver, c’était donc plus facile.
Après on pourrait me répondre qu’il fallait mourir de faim, et qu’il est possible que si je préfère parfois la tv, j’aurais préférer manger, boire et jouer aux cartes. Rude objection. Je vois au moins deux tours de passe passe pour s’en dépêtrer.
Tout d’abord, inventer une évaluation santé des loisirs, une théorie basée sur l’idée qu’on n’accepte de ne se divertir que si ça ne ruine pas immédiatement à la santé, du moins quand on a un appétit culturel. Alors, reste à avancer que s’avachir devant un DVD nuit tout de même moins à la santé que gouter la vodka post- ou pre-mendeleevienne. Ensuite on peut rajouter qu’on saurait se contenter de ne pas avoir faim, sans réclamer le luxe de nourriture. Ainsi sans se pousser dans les extrêmes qui font les génies ou les tueurs de vieilles usurières, on peut s’imaginer accommodé à ce temps qui ne fut pas le notre, ou la lecture était le sommet, et la culture le divertissement. En outre, tant qu’à s’adapter à l’époque, on aurait avouer aller sans doute au théâtre ou au bordel, mais les soirs de repos se seraient centrés autour d’un plateau-lecture. Après, grave question : y a-t-il eu des soirs de repos chez soi avant la tv ? J’ose le croire.
Ensuite vient l’autre réponse possible, bien que d’une certaine mauvaise foi. Rappeler qu’il ne s’agit pas d’évaluer les vies passées, qui s’en passent bien, mais de penser la vie présente. Alors laissez-moi me plaindre et regretter les temps préhistoriques où les quelques instants de divertissement s’appelaient « début de la religion », « début de l’art », etc. et où on mourrait assez jeune pour ne pas emmerder les autres avec ses mémoires.
Enfin il reste quelque chose de bien à notre époque, on peut y vivre lâchement et déclarer à la cantonade qu’on était pour la défaite de Tyson. A cause de l’immense production de textes, il ne le lira jamais, et on a un pseudo. De même, à cause du nombre de tous ces textes et thèmes qui fleurissent, si on n’a pas eu la patience de se forcer à la culture, on peut très bien vivre sans que personne ne le sache ; en fait tout est bien.
En revanche, on ne saurait en dire autant pour la culture physique, sauf peut-être en hiver.